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Dominique Blaise
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_Note sur les malheurs de M.K - 1990-2008 + Notes pour exposer à la Tourette - état au 23/10/08

Ce récit a été écrit à chaud, il y a presque vingt ans.
Il a été repris en 2007, légèrement modifié pour gagner en clarté, à l’intention des étudiants architectes, dans un cours de première année (Annexe au cours Théorie de l’art, partie “Le(s) Discours artistique(s)”, chapitres “La Posture artistique” et “la fonction de l’Art”).
Cette troisième version a subi d’autres menus allègements pour être plus facilement accessible aux lecteurs extrascolaires.
Les évènements relatés sont strictement exacts, au détail près. Avec le recul, ils nous paraissent toujours formidablement exemplaires. Dans un livre très célèbre, Le Procès, Franz Kafka met en scène un certain M K que la justice poursuit sans qu'il puisse savoir qui sont ses juges, ni à qui ils obéissent, ni ce qu'on lui reproche, ni quoi que ce soit qui pourrait lui faire comprendre la raison qui le broie.
Ce roman, porté au cinéma dans les années soixante par Orson Welles est devenu le symbole même de l'angoisse. On pourrait lui trouver de lointains échos dans un épisode de la scolarité de MK, étudiant à l'école d'architecture de Lyon, au cours de l'année 1989-1990. Épisode purement kafkaïen qui n’a heureusement pas connu l’issue dramatique du Procès. Il n’y a pas eu mort d’homme…
L'affaire commence de manière anodine. Un enseignant plasticien, MA a proposé à son groupe d'étudiants de faire “un travail sur l'école”. Utilisant le langage artistique de l’époque, il leur demande «une intervention». La formule est indéterminée. Elle doit se lire négativement : le travail ne doit pas se limiter aux arts conventionnels, sans les exclure cependant. On ne veut pas de décoration : il ne s’agit pas d’embellir quoique ce soit. Penser aux significations plus qu’a l’apparence. L'enseignant demande donc «une intervention sur l’École», sans plus de précision, une réalisation matérielle dans ou sur l'école. Quelque chose en rapport avec le bâtiment…ou l’institution.
La demande est accompagnée d'un cours illustrant quelques genres «d’interventions» typiques : l’installation, utilise des choses, des objets par exemple, sans les transformer, en les installant simplement dans l'espace ; le in situ, lorsque le travail est inscrit dans un espace particulier et qu’il perdrait tout ou partie de son sens à être déplacé ; le land-art, lorsque le travail porte sur un paysage, etc. Un enseignant demande donc à ses étudiants de faire un travail artistique sur l'école.
L'étudiant K s’attelle à la tâche. Mais il le fait à sa manière, c’est-à-dire à son rythme, particulièrement amorphe, avec un air de ne pas y toucher. Cette façon de faire étonne ceux qui pensent qu'un artiste au travail devrait ressembler à un artisan au travail, calme mais actif, ou alors à un génie, genre Van Gogh, sensé faire des gestes exaltés. Et il y a de quoi en étonner plus d’un. Tout le monde peut voir ce cours qui a lieu dans une salle transparente, avec une longue vitrine qui donne sur la rue intérieure de l'école. S'agissant d'enseignements artistiques, on s'attendrait à ce que les étudiants aient là un comportement conforme à l'idée que l'on se fait du créateur. Hors l'étudiant K déçoit, qui paraît surtout oisif. Et, lorsqu'il se hâte, avec une extrême lenteur, c'est pour exécuter un inappréciable bricolage au spectacle duquel naîtra plus tard le scandale.
Pour l'instant, M K ne prend même pas la peine de faire le moindre projet, de dessiner ce qu'il envisage de faire, de prévoir, de vérifier sur maquette un effet à produire.
En l'absence d'un travail démonstratif, intelligible, on aimerait que l'étudiant nous rassure par quelques mots mais il ne parle guère. On le voit en train de lire, et comme une indiscrétion nous a appris que ce qu’il lit, intensément, se rapporte à ce qu'il fait, on s’attendrait à ce qu'il cite ses sources. Pourquoi n'a-t-on pas droit à la moindre indication? Même l’enseignant en viendrait à douter de la bonne foi de M K puisque celui-ci refuse la politesse d'un bout de croquis, et qu’à chaque question il oppose une mine renfrognée, et quelques borborygmes. Alors, si l’enseignant est un peu décontenancé, que doit penser le spectateur lambda de ce qui s’élabore aux yeux de tous et qu'il nous faut maintenant décrire.
C’est fait de branches mortes, poudreuses et cassantes, qui perdent des morceaux d'écorce dès qu'on les effleure. Il y a une branche principale reliée malhabilement à des branches secondaires par des cordelettes filandreuses. On dirait une tentative pour reconstituer une branche à partir des débris d'un arbre brisé. Travail d’archéologie botanique? Même pas. Cette interprétation s'évanouit lorsque l’on constate que l'étudiant K, refaisant pour la énième fois son travail parce qu’il ne le satisfait pas, ou parce que l'ensemble, mal soutenu par deux tréteaux de table à dessin, s'est cassé ou a ployé, distendant ses ligatures, lui adjoint un plastique noir terreux et terni, du polyane agricole usagé, qu’il fixe aux branchages par de nouveaux nœuds en sisal ébouriffé avec de la colle.
On passe alors à une espèce de grand insecte mutant qui meure et revit plusieurs fois. Encore faut-il être bien inspiré pour commenter ici une chose dont le trait essentiel était d'échapper à toute description. Elle avait mis deux mois avant d'être accouchée. Sa gestation avait été chaotique, le parturient, l'étudiant K, ne nous aidant pas beaucoup, on l'a dit, pour comprendre ses efforts. Peut-être mon souvenir est-il maintenant influencé par cet autre titre célèbre de Kafka, La métamorphose? Peut-être l'étudiant K était-il en train de faire un autoportrait insectueux? L'opinion en tout cas - étudiants et tous personnels de l'école, ne sait que penser de ce spectacle qui occupe dix bons mètres carrés d'atelier. Et même lorsqu'on n’est pas indifférent, il reste l'embarras de ne pas savoir comment nommer ce que l’on voit. Situation ingrate, gênante, choquante.
Sur ces entrefaites va être organisée une petite fête d'adieu à une personne de l'école. L’atelier artistique sert parfois à ça. C’est la plus vaste salle du bâtiment. Chacun de nous a été prévenu et questionné prudemment sur les possibilités d'utilisation de la salle. L'étudiant K lui-même est consulté et ne voit aucun inconvénient à ce que l'on déplace son travail. Qui s'attristerait à l'idée d'utiliser un atelier artistique pour une fête? La tristesse viendra après: le travail de M K est retrouvé très abîmé. Une manipulation intempestive pour le dresser contre un mur, et dégager entièrement le sol, chose qui n’était pas prévue, l’a cassé. A aucun moment personne n'a imaginé que les fêtards ne respecteraient pas un travail en cours, fut-il énigmatique. Les demandes qui nous avaient été faites étaient assorties de promesses écartant les risques d’accidents… Quand j’ai dit cassé, j’aurais dû dire détruit. Un assemblage aussi précaire ne peut s’abîmer à moitié. Il faudra entièrement le refaire. Le lendemain de fête est amer pour l'étudiant K et ceux qui le côtoient dans le cours, lui et son être de bois qui leur est devenu familier.
Voilà donc notre étudiant rebâtissant son ouvrage. Ligatures, coutures, colle, rafistolages. Peut-être y a-t-il plus de maîtrise dans cette deuxième version? Un semblant de soin? Quelques finitions? L'indulgence gagne d’ailleurs une partie de l'opinion. On s'est habitué à la vue de cette chose qui maintenant doit être jugée par l'enseignant. Pour cela, l'étudiant K va la placer dans l'espace pour lequel il l’a faite, ne l’oublions pas, celui de l'école où elle prend sens... Il suspend donc sa construction au centre de l’atrium, cette place demi-circulaire qui donne sur la rue intérieure. La voilà donc exposée au point focal du bâtiment, en son cœur. Une vrai signature : l'institution est paraphée d’un grand branchage attaché à des cordes.
On pouvait, volontairement ou non, ne pas regarder la vitrine de l’atelier lorsqu’on la longeait dans la rue. Cela à permis à certains d’ignorer “l’oiseau” de M K en construction, malgré la rumeur qui excitait la curiosité. Il est devenu impossible de ne pas le voir, alors qu’il prenait son envol dans l’axe majeur de l’édifice, face à l’entrée principale. C’en a été trop pour certains. Au cours d'une soirée bien arrosée, un enseignant aviné a poussé des étudiants à couper les suspentes de l’objet scandaleux. «La chauve souris» s’est affalé. Le travail de M K était enfin anéantit.
Heureusement, il avait déjà été noté -fort bien, et on en possédait des photographies de qualité. On avait également cliché et tiré en grand format un autre travail étudiant qui lui, avait eu plus de succès public. Ce qui ne l'avait pas empêché de subir, lui aussi, quelques déprédations...
La suite de notre histoire jette une lumière crue sur les malheurs de l’étudiant K. Elle ouvre à toutes les interrogations. Les grandes photos dont nous avons parlé, rangées dans un bureau d'enseignants pendant un ou deux mois ont fini par disparaître. Personne ne sait ce qu'elles sont devenues. On souhaite évidemment qu'elles n’aient été qu’empruntées par un collectionneur, ce qui en prive le public mais garanti leur conservation jalouse. La logique événementielle fournit malheureusement une hypothèse beaucoup plus plausible : quelqu'un aura voulu faire disparaître jusqu'aux traces de l’exercice honteux.
D'une histoire, bien réelle, on peut tirer une morale, et, pour cela, tenter de la comprendre. Qui est l'étudiant K? C'est un étudiant de culture germanique, naturalisé depuis quelques années. Mais, on ne se refait pas. L'art allemand savez-vous est plus rugueux que le nôtre. Le jeune Kant aurait dit : plus sublime, au sens où le sublime germanique s’opposait alors au beau latin. C'est une de ses constantes. L'expressionnisme a flambé là-bas, et avant lui, le romantisme, et plus récemment la “bad picture”, peinture délibérément grossière. L'objet gênant avait donc «naturellement» (nationalement) le caractère qu'on lui reprochait. Et que voulait dire K, muet, besogneux, absorbé par une lecture de Heidegger? Qu'est-ce qui le captive chez le philosophe Heidegger? Une pensée bien de chez lui, qui enracine l'homme et l'architecture, qui dit l'importance de la terre et du végétal. On peut rajouter à ces généralités, que les forêts et campagnes, objets des méditations de l'étudiant, sont celles de son enfance.
Alors quand un enseignant demande à ses étudiants «d'intervenir» sur l'école, M K fait cette chose provocante qui consiste à «construire» un objet de méditation sur l'architecture telle qu'il la conçoit. Celle qu’il habite. Celle qui abrite l’enseignement qu’on lui dispense. Ainsi est née lentement cette forme, vite jugée comme saleté agressive, indigne du cadre architectural et institutionnel avec lequel elle a essayé de dialoguer durant sa courte destinée.
Il faut dire que M K était une sorte de récidiviste en matière de délit symbolique. Il avait fait, dans les tout tout premiers, le voyage du mur de Berlin abattu, en ces jours où les reliques du mur de la honte ne faisaient pas encore l'objet d'un commerce. Aller et retour marathon. Lui et ses copains avaient rapporté un gros bloc de ciment graffé. La classe artistique dans laquelle il avait débarqué, exténué, avait eu, ébahie et heureuse, la primeur du talisman. Le roc avait trôné un moment au milieu de l’atelier, puis il avait rejoint le centre de l'atrium, cet endroit précis où devait s'écraser plus tard un oiseau de mauvaise augure avec des plumes vinyliques et des os en branches.
Nos développements interprétatifs pourraient laisser croire qu'il était indispensable, pour comprendre K et son travail, d'avoir un catalogue de renseignements, et que c'est en toute ignorance légitime, donc en toute innocence, que les différents saccages avaient été commis. L'interprétation érudite, à base d'informations prises à la source, est certes importante. Elle n'est pas la seule. On pouvait en toute liberté interpréter l'objet. Par exemple on pouvait repenser à ce qu'avait dit l'architecte de l'école sur un des mythes fondateurs de son projet, le mythe d’Icare dont le peintre Patrice GIORDA avait fait une transposition paysagère, autour de l’atrium justement. Le travail de M K pouvait être vu comme un Icare. Un Icare paysan. Le symbole tragique était aussi un symbole agricole souriant. Et chacun sait que le destin d’Icare était d’être abattu. Mais nous ne pensons pas que les vandales aient eu assez de jugeote culturelle pour justifier leur geste qui reflétait précisément une incapacité de penser. Il y avait certainement beaucoup d'autres interprétations possibles. A vrai dire autant, peut-être, que de personnes regardant la chose. Ce sont toutes ces histoires que chaque regardeur se raconte devant l'oeuvre, qui en font la vie. Les interprétations «canoniques», réflexions approfondies sur des indices vérifiés comme celle que nous avons produit, ont certes un privilège. Mais l'impossibilité de s'approprier une œuvre, lorsqu’elle se conclue par un passage à l’acte comme dans le cas qui nous occupe, n’est pas un simple refus de lire ce qui est proposé, c’est tout simplement un autodafé. M K a été d’abord très affecté par le sort, qui, d'acte manqué en acte délibéré, s'est acharné sur son travail. Puis peu à peu, il a pris son parti de l'incompréhension ambiante, soutenu par ses camarades et par les enseignants du champ artistique. Très vite, sans favoritisme, sans idée de réparation, une bonne note a récompensé cette «intervention» à l'école. C’était un très bon travail artistique, une réponse pertinente et personnelle au sujet proposé. On a rendu justice à l’auteur de l’oeuvre, non à la victime.
Ensuite, un Prix national de Projet d’architecture pour lequel M.K avait concouru, est venu garantir sans ambiguïté sa qualification dans la discipline reine. Il y aurait donc des étudiants bons en projet parmi les artistes dégénérés.
Alors, que penser? Que certains réflexes « beaux-arts» qu'on croyait disparus sont capables de resurgir, bien réels, à trente ans de distance? Jusqu'aux années soixante, il y avait une grande rivalité entre les différents ateliers d'architecture de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts. Tel atelier faisait une expédition punitive contre un atelier rival. Il arrivait que la fête dérape. On détériorait un exercice de l’ennemi. Par exemple, on maculait d'encre «sans le faire exprès» un dessin de plan qui avait coûté des heures à son auteur. Saine émulation. Cela se passait à Paris, il est vrai. Les ateliers lyonnais ne connaissaient évidemment aucune barbarie… D’ailleurs, dans notre histoire, il ne s'agissait plus de concurrence entre groupes de projeteurs. Il ne s’agissait que de faire rentrer dans le rang une discipline «subalterne»... de mettre au pas un étudiant qui tardait à s'acculturer. Corporatisme et xénophobie : l’étudiant comprenait trop bien les autres arts… et il venait d’une culture étrangère.
Une dernière réflexion sur ces événements. Des saletés comme celles construites par l'étudiant K, il y en avait depuis longtemps plein les musées [1], dans le monde entier. Mais l’architecture n’a évidement rien à voir avec l’art des musée. Et cette histoire est bien lointaine.

[1] En Amérique (Rauschenberg au Moma et au Metm), en Allemagne (Beuys un peu partout), en Italie (l'arte povera), en Suisse (l'art brut à Lausanne), en Hollande et en Belgique (Merz à Rotterdam et à Bruxelles). L'Espagne n'est pas en reste... Le cas de la France serait-il plus complexe? Elle a pourtant produit son propre art «douteux»: le “Nouveau Réalisme” est plein de poubelles, «support-surface» de tas et matériaux en vrac. Tous ces arts sont promus aux musées de St Étienne et de Lyon. Lyon d’abord serré de près, est maintenant infiltré par la cochonnerie.

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NOTES POUR EXPOSER A LA TOURETTE - état au 23/10/08

Exposer à la Tourette

à cette idée

quelques formules-titres me viennent,

mauvaises mais inévitables comme la toux d’un moteur (d’un noteur) qui démarre :

Rêve de frères

Pécheur d’hommes

Les cinq plaies

Œuvres religieuses…

associés à des images de pièces

qui gisent à l’état d’esquisses dans mes carnets, blocs-notes et circonvolutions.

et des intentions :

ne pas se contenter du sacré

aborder le religieux

et des réticences de fond (peu, de forme)

et des définitions négatives :

ce ne doit pas être une exposition

un couvent n’est pas une galerie

parlerais-je aux déconvertis

aux sourds d’âme?

les retournés (ceux qui ont

juré qu’on ne les y prendra plus)

les voilà sous abri

dénégateurs

la foi devenue membre fantôme de l’âme

qui élance à chaque relance

plutôt reconverti donc?

dans quoi on ne sait

22/09/07

J’emploierais volontiers le titre œuvres religieuses

pour échapper à: œuvre sacrées

trop échologique (trop résonnante)

Ne pas tomber pour autant dans l’autre tarte à la crème

qui consiste à justifier l’usage de religieux en se prévalant de son étymologique

reliage.

07/02/08

Religieux c’est du concret et en plus

de l’universel puisque ici

d’espèce catholique

et en plus de l’universel

puisque du dominicain de robe :

qu’y-a-t’il de plus universel que le blanc

que le logos grec auquel cet Ordre semble avoir fait retour

comme pour vérifier si St Paul à eu raison d’ emprunter ce terme

pour en faire la voix de Dieu

depuis Parménide

le logos coupait les dieux en quatre pour en faire un

ordonateur des méfiances tranchantes

suivies d’indubitabilité à bon Comte

quand on invoque le logos

Comte n’est jamais loin

l’ode à la raison

l’odieuse raison

serait son culte

le Dieu raison

la Dieuse

voilà ce qui poursuit :

l’universel péril logomachique

avatardisant, virtualisant, cognitivisé

depuis, les morts sont non victorieuses

mornes, mortifères

morte est la mort-norme

08/02/08

brève crise de titres

que signifie-t-elle?

Allons, furonculons :

cette exposition - cet étalage

pourrait s’appeler :

antalgies du désir

diagnostique agnostique

petites liturgies de l’absence divine

heureusement, il n’y aura aucun besoin

de tels “apophtegmes apodictiques”

A propos de titres, de noms, ceux du lieu :

La Tourette (familier)

Eveux (initié, précieux)

Couvent du Corbu (initié, trivial)

lequel adopter

pour leur échapper

lequel inventer

lieu de Dieu

non-nom de Dieu (grossier)

(le commentaire embue la vue

illégitime les gestes simples

il légitime les fesses de l’écriture)

œuvre d’un sommeil

où la couche ment

écrit œuvre religieuses

pour échapper à œuvre sacrées

il y aurait aussi œuvre liturgiques

c’est peut-être plus concret

et moins engageant : la liturgie peut-être profane

et même païenne: on sacre bien le printemps

il y a eu ensuite la symphonie de Honneger

et les petites de Messiaen

dans mes projets le liturgique est religieux

mais sans canon (suis pacifiste) sans date

hors temps, hors heure, évidemment pas hors d’oeuvre

-faire un bréviaire plastique.

09/02/08

ai pensé être intimidé (par l’éventualité de cette expo là,

là lieu de l’intimidation)

mon sens de la soumission n’allait-il pas

me conduire à courber l’échine

le lumbago symbolique guette

impossible d’artistiquement se relever d’un tel écrasement

là au lieu, le pape n’est pas celui qu’on craint

il y en a deux, mais celui de Rome ne perturbe que peu la modeste communauté des robes blanches

par contre, celui de l’architecture, Corbusier (le moindre journaliste écrira que Le Corbusier est le pape de l’architecture (au minimum un des papes, et en aucun cas une papesse, peut-être aurais-je à justifier cette proposition)) est à priori intimidant… et écrasant (adjectifs qui suivent pape de dans la rhétorique du moindre journaliste déjà cité, rhétorique que j’adopte provisoirement car elle n’est pas fatigante et je suis pour l’instant fatigué).

Donc, cet environnement est intimidant et écrasant. Outre qu’il n’est pas pratique, il vous en impose.

J’ai dit tout ça? et je ne suis pas intimidé, pas du tout. Honoré, un petit peu. Attiré énormément, aimanté, amanté. Les problèmes extrêmes du couvent libèrent à l’envie.

10/02/08

ai mis de la musique avant d’inscrire la date d’entrée dans ce paragraphe, et déjà, suis obligé d’interrompre.

Faute à trois empereurs : le concerto empereur, et Fischer, et Fürtwangler, qui le jouent vers 1950. Le son accapare, et libère. La vie n’a cours que pour ces traits. A n’en pas croire l’oreille. L’humain parle à l’humain (impossible de ne pas employer le mot humain, qui suggère malheureusement pâte, cuisine. (Ne pas matiériser le personnaloir (innommer à tout rompre (la pelle attente aux grains de sable))). Dans ce théâtre, la place du souffleur est occupée par Dieu.

Emphataisons… Au travail. Programme. Datons. Calculs minimums. Essais. Sourdra quand voudra la belle beauté. Prévisions, discussions avec les désintéressés. Faisons.

Programme minimum : couverts au réfectoire ; sièges dans la salle capitulaire ; crucifix dans la chapelle. Remeublage. Oserais-je mettre quelque chose dans le chapeau pointu de l’oratoire, cette belle petite cloche à prière dont le Corbusier emprunta la forme au lavatorio cistercien. Oserais-je questionner la quiétude des cellules? Jusqu’où peut-on? Quand perçoit-on le premier grincement de dénonciation mystique?

17/03/08

Comme d’habitude, la chose sourd, éclate, libère. Un titre monté en geyser : Factorielle christ. J’examine ensuite sa pertinence. Suis capable de contresens, de fautes de goût. Et quel meilleur inspecteur que moi, avec les yeux qu’on a partout, et les miroirs internes, toutes ces kinécénésthésies. Chance. Le sens colle à l’oeuvre projetée. Il l’éclaire et éclaire d’un même pinceau l’exposition entière dont le titre pourra être Factorielle christ.

Factorielle, substantif mathématique et mot dont la splendeur musicale n’aura échappée à aucune oreille, signifie une multiplication dans un ordre régressif jouissif. Par exemple Factorielle 5 c’est 5 x 4 x 3 x 2 x 1= 120.

L’oeuvre que je projette consiste à combiner des images du Christ pour en produire de nouvelles. J’ai n images au départ. Elles peuvent produire Factorielle n autres images.

Factoriel (ou factorielle) l’adjectif conviendrait déjà. Il s’agit d’une multitude de variables, multitude que l’analyse mathématique appelée précisément analyse factorielle, veut saisir. Appliquée au christ, cette multiplication urbi et orbi, cette multitude annoncée n’est-elle pas une approximation, ridicule si elle prétend, fine si elle suggère, du corps mystique (tous en Christ) et de la communion des saints (tous appelés) avec son inflation constitutive.

01/05/08

En ce premier mai, défilé d’images dans ma tête. Ce sont les photos numériques prises hier au couvent qui se bousculent crânement sous forme neuronale, emmélées aux réflexions pour lesquelles elles étaient faites, et aux idées qu’elles ont fait jaillir. La vérification in situ fixe des solutions et en offre d’autres, beaucoup d’autres, beaucoup trop? L’échelle de jacob par exemple se démultiplie. De simple pièce d’atelier à déplacer dans le couvent, elle se distord, s’agrandi, se déplace- je la voyais au sol, sur les dalles, je la vois sur l’autel, devenue socle, ou l’échelle sur l’autel comme intégrée à lui, ou aux pied de l’échelle, remplaçant la pierre, l’autel nouvel oreiller des sommeils prémystiques. Évidemment, de toute cette spéculation il ne restera que peu, une fois passé à l’acte, avec ce que je trouverai. Problème d’échelle dans tous les sens du terme. L’église, si c’est là qu’officie mon échelle à des dimensions presqu’effrayantes. Elle peut faire fond, mais n’écrasera-t-elle pas? Et si la pièce essaie de faire pièce à ces auteurs noirs, il lui faudra des dimensions qu’aucune échelle ne saurait réaliser peut-être?

Trouvé ces magnifiques bancs de bois avec lesquels je pourrais meubler la salle capitulaire.

Il est clair que je souhaite pour mon travail une pertinence théologique. Prétention? Comment établir cette pertinence? Méthodologiquement, il me suffirait de discuter avec un ou des frères, chaque fois que surgit une nouveauté dans le développement du travail. Choisir le frère compétent -suffisamment au fait de la chose artistique. Ils sont semble-t-il peu nombreux dans cette compétence. Vérifier au fur et à mesure (la pertinence théologique). Donner forme théologique aux intuitions matérielles. Cela suppose d’accepter les réquisits du frère. Ne pas vivre ceux-ci comme des inquisits, ce dernier mot, de trés mauvais goût en ces lieux, à ne pas prononcer. Accepter finalement que le conseiller devienne, s’il joue le jeu, co-inventeur. Je sais ce qu’est l’invention artistique, je ne sais pas ce qu’est l’invention théologique (il doit bien y en avoir une).

Et d’abord, en agnostique avoué, clarifier ma position.

Titre : crucix fiction. Juste couronnement de mon projet, quoique facile. Sous-titre : larrons en foire

02/05/08

Par l’appellation MULTITITRES, j’ai entrepris de désigner ces oeuvres -tout oeuvre en fait, qui pourraient changer de titre selon les contextes spatiaux temporels. L’opération de retitrage aurait pour effet d’accorder le sens au nouveau contexte, de réorienter l’interprétation. Soucis de précision ou de facilitation et non facilité.

Ainsi ma Règle de l’art transportée au couvent pourrait devenir Bibliothèque théologique. J’aurais aimé Bibliothèque parousique mais cela sent l’abscons. Chaque partie qui compose Règles de l’art trouverait un nouveau nom, selon, par exemple ce qui suit (entre parenthèses, le titre initial):

(les règles de l’art)
“Bibliothèque théologique”
volumes sous vitrine
31 x 101 x 61

(double dos 2005)

“le péché contre l’esprit”

un volume blanc

reliure pleine toile écrue à deux dos

24 X 16 X 2,8

(vis à vis 2005)

“les deux testaments”

deux volumes blancs avec

une face de couverture commune

reliure pleine toile écrue

24 X 16,5 X 5,1

(vis à vis à la française et à l’italienne 2006)

“les deux testaments II”

deux volumes blancs avec une face de couverture commune

reliure pleine toile écrue

24 X 16,5 X 5,1

(étroit 2006)

“la grâce”

un volume relié pleine toile écrue

25 X 5,5 X 3,2


(bas 2006)

“la pesanteur”

un volume relié pleine toile écrue

5,5 X 25 X 3,2

(affrontés 2006)

“dans la gloire”

deux volumes reliés pleine toile écrue

couverture siamoise au verso

24,5 X 34,5 X 3,8

03/05/08

la lecture des titres rédigés hier sur la Biblothèque théologique produit un effet Messiaenique. Ceux qui connaissent Messiaen seront sensibles, en bien ou mal, à cet aspect.

Ivresse d’imaginer l’espace conventuel se parant de telle ou telle pièce. Ivresse d’assister à la transformation des pièces prévues, au fur et à mesure du travail. Il en va ainsi de l’Échelle de Jacob. Ses transformations potentielles se poursuivent depuis celles que j’ai signalées plus haut. C’est vision (artistique) sur vision (biblique), projection sur écran de songe. Pardon pour l’immodestie des développements. Enflure d’ego certainement. Mais ne peut-on admettre que la biblophilie est utile à ce que les thèmes et les personages Du Livre fassent entrer en vibration le moindre des humains (dont je suis), qui rend du coup ses notes particulières.

(théoriquement, mon sémantisme est un musicalisme, et j’aime à répéter que Messiaenisme et messianisme concatènent).

Ivresse de toute façon.

Faut trier. (Fautrier était un peintre qui mélangeait). Ne pas laisser s’attarder dans ces notes tout ce qui s’y dépose et n’a rien à y faire. Rendre à la Tourette ce qui appartient à la Tourette. Pour Dieu, s’il est, je voudrais évidement que tout, tout, lui fut rendu.

J’ai souvent entendu dans salle capitulaire la salle où l’on capitulait. L’appartenance à un chapître implique-t-elle une capitulation du sujet ? Évidement non. L’association de capitulaire et capituler trahit mon sens du dialogue, de l’échange, du compromis. Les dominicains heureusement sont blancs. Eclat de la vérité (johanique)? Mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, le mélange des blancs ne donne-t-il pas un gris?

16/05/08

Je vais évidement me ruer à l’exposition sur le Sacré, au Centre Pompidou. Sujet à défricher. Ce que j’en ai lu ne me plaît pourtant qu’à moitié. Nichéisme -je n’ai guère envie de devenir fou, et bataillisme y règnent. Où sont les agnostiques? Je vois surtout des athés camouflés, travestis. Mais que de belles oeuvres au nom du mensonge. L’art serait-il intrinsèquontologiquement éhonté?

Mais ne confondons pas la pensée très unique des commentateurs avec la variété des oeuvres commentées. Il y a des sacrilèges pleins de santé.

Mon idée d’oeuvrer à la Tourette religieusement se renforce. Religieusement, liturgiquement, sacramentairement plus que sacralement, théologiquement ai-je exigé.

Rapidement dit : je me fous du sacré: l’incarnation, cette génialité (sans génitalité ?) n’est-elle pas une profanation?

Certains lieux pourraient recevoir successivement plusieurs oeuvres. S’il doit n’y en avoir qu’une, ne sais laquelle choisir parmi les possibles. C’est la dernière venue à l’esprit qui emporterait sans doute mon choix. Elle acquerrait droit de réalité, renvoyant les autres au confort de la virtualité.

Chaque exposition d’importance, et il ne fait pas de doute que celle là en est une, se présente comme exposition infinie. Je ne dis pas permanente, je dis infinie, qu’on ne peut finir, qui devrait se prolonger, muter, muer, se métamorphoser, spasmer, gésir, surgir.

1er jour d’été 08

14 heure et après.

Sieste sous l’épicéa. Coussin sous la tête. Maigre couverture sous le dos : je ne perds pas le contact avec le sol. La pelouse grasse rafraîchit mais ne chatouille pas. Somnolence. Descente à la recherche d’un sommeil qui ne viendra pas. En descendant, les images de La Tourette se bousculent, se succèdent, permutent, et s’ordonnent. Plusieurs solutions pour plusieurs versions d’ Échelle de Jacob. Façons de la faire monter le plus haut possible dans cette nef si haute (relativement au travail que j’y sens possible). Quinze mètres, c’est beaucoup et, en l’occurrence, vertigineux. Jacob voit les légions monter jusqu’au ciel, pendant que le sommeil l’écrase et que la pierre lui durillonne l’oreille.

Suivant mon habitude, ma pensée s’évade en généralités. Qu’est-ce que créer? Qu’est-ce que l’instant vécu m’apprend sur ce qu’est la création? En fait d’anges, des légions épistémiques se penchent sur ma sieste. L’immodestie du rêve est-elle bonne conseillère théorique? La précision des visions m’enchante. Je vois où faire passer la corde, quels sont les noeuds à faire, comment hisser l’arrimage, comment tester son inclinaison. J’inventorie les solutions, et passe au crible leurs mérites visuels, constructifs, économiques. C’est dire que j’évalue esthétiquement les phases de ce work in progress onirique.

Je ne me reconnais pas Voyant, ayant toujours détesté l’extension des témoignages de Rimbaud à d’autres personnes que lui et pour d’autres domaines que le sien. Mais je dois reconnaître que ce travail pendant la sieste ressemble à une voyance. Une voyance à visée très concrète. Il y aurait donc des “expériences de rêve” variante peut-être des “expériences de pensée”. J’ai vécu une “expérience de pensée somnolente”. Ça n’est pas la première fois, mais c’est la plus flagrante. Reste à en vérifier la fécondité. En quoi elle résout les problèmes qui se posent à moi.

Mon travail mental s’est interrompu lorsqu’une chose froide et dure est venue me gratter le cou et l’épaule. J’ai reconnu la tortue. Je lui ai dit deux mots et l’ai laissé faire. Elle a obliqué pour trouver un passage au niveau de mon bras qu’elle a entrepris de franchir. Je lui ai facilité les choses en ne bougeant pas, et, pour la féliciter d’avoir réussi, j’ai été lui chercher une coupelle de croquettes pour chats, ramollies, dont elle a englouti une bonne moitié avant de reprendre sa route vers les hautes herbes.

07/07/08

Initiée en début d’année, posée au 21 septembre, déplacée à la fin novembre, l’exposition est encore loin.

Suis maintenant certain de ce que je veux faire. Cela ne signifie pas que je suivrai jusqu’aux détails mes intentions mais je ne me vois pas changer les choses du tout au tout, ni même dans leurs parties principales

Malgré tout, je ressens un léger flottement, une difficulté de respiration

Normal, c’est généralement au milieu du gué que l’on se noie.

On dit que la simplicité se conquiert. Cette expression suggère un héroïsme désuet. Je dirais qu’elle apparaît. On pense d’abord complexe, presque toujours, inutilement complexe, puis, des solutions simples apparaissent dont on se demande pourquoi on n’y a pas pensé plus tôt. Elles sont là, venues d’on ne sait où. La réflexion leur faisait écran. Pour un peu, vous pourriez croire à une volonté immanente, plus forte que la votre, une sorte de volonté schopenieitschwittgensteinienne.

Au lieu de conquérir la simplicité, et l’effort gauchit la forme, trahissant la fausseté éthique de l’attitude, il suffit de s’alléger, s’ébrouer du préconçu, la simplicité rapplique.

17/07/08

Rencontré Frère M. qui connaît l’art sacré et l’art contemporain. Avons échangé pendant et après le repas. Lui ai montré des images de réalisations, les chaises coupées que je voulais appeler parloirs et il m’a montré les parloirs du couvent, ces alvéoles de l’entrée dont j’avais totalement oublié l’appellation. Ils étaient pour moi des guérites ou une loge. Faudra-t-il que je rafraîchisse ma connaissance de cette architecture, que je m’imprègne de ses usages actuels? Mon travail doit-il puiser à la source humaine, hic et nunc, moi qui préfère considérer les choses sub specie aeternitatis? L’un ne passe-t-il pas par l’autre? Que pourrait vouloir dire une éternité sans ce temps concret? un monde d’objets sans les gens? C’est ce à quoi les questions de Frère M. m’ont renvoyé.

Croisé aussi l’ancien prieur, prieur jusqu’a hier si j’ai bien entendu. Il se présente avec humour comme l’homme qui a vu Le Corbusier. Il se rappelle de la blancheur du couvent dans les premiers temps. Souvenir bienvenu quand on ressent négativement la minéralité cryptique actuelle du bâtiment. Ce gris ne correspond à aucune intention. Moi il ne me déplaît pas. Réalité du vieillissement. Sanction de l’idéologie moderniste - heureusement transcendée ici par le baroquisme de l’architecte, avec ses copiés collés du Thoronet.

L’ancien prieur précédait de peu le nouveau qu’on m’a présenté et dont j’ai surtout remarqué la tenue estivale, short et sandales. Il m’a semblé avoir à peu près la moitié de l’âge du premier.

Fait aujourd’hui six photos. Une présente ces chaises coupées que je pourrais appeler “mes parloirs”, ce qui renverrait la pièce à sa subjectivité, les vrais parloirs étant où l’on sait, ailleurs. Les autres photos contiennent des échelles. J’en suis content. L’une d’elle me paraît extrêmement réussie. Les trois échelles se retrouvent dans des conditions lumineuses différentes. Une chance aurait dit Hamada devant une déformation de la lèvre d’un bol sortant du four à céramique.

20/07/08

Les titres des photos viennent, un à un. Simples d’abord, puis combinés, agrégés. Néologismes par paronomases, presque blasphèmes :

Lituragies ou Liturgiaques pour la série d’échelles flanquant les autels de la crypte

Stalles tancées ou stalles-stances ou Stance aux stalles tancées ou stallances (que d’euphuismes!) pour les stalles avec trois échelles dans les meurtrières horizontales.

Parousianies pour les échelles desservant les trois canons à lumière

Le bruissement glossolalique des formules ne doit pas faire croire à de la gratuité. Chacune interprète, titre sa pièce, pas une autre. Secteurs d’un éventail phonétique, elles ne sont pas interchangeables d’une photo à l’autre. Liturgiaques est comme un équipement liturgique des autels, Stallances comme une tombée menaçante sur les stalles, Parousianies comme un accès direct à la fin des temps.

22/08/08

Cette nuit m’est venu un titre d’exposition, qui, s’il n’était pas tenable vaut d’être noté :

de pape en pape. La formule me fera avancer. Il fallait qu’elle soit dite, prononcée (mastiquée la goûteuse). Cela pourrait vouloir (me) dire: de pas en pas (ralentissement, écrasement de pas à pas), on progresse, péniblement forcément, d’autorité en autorité. Ployant sous.

23/08/08

Il y aurait aussi pas à Pape, comme un refus d’aller à l’autorité

24/08/08

Dans l’oratoire : un ibook est posé, tel le livre de messe. Il affiche la phrase : in illo tempore

et puis, une pierre posée sur l’autel à l’emplacement de la pierre d’autel, sur elle, avec pour titre pierre d’autel, l’oreiller de Jacob.

25/08/08

L’intitulé de la pièce de cannes à pêche sera l’immatriculation Mc 1.16-20, préférée à Mt.4.12-22 ou Lc 4.14-15, et 5.1.1-3, 10-11, (lus dans la Tob qui est pratique pour rechercher des références). Préférence stylistique et idéelle de Marc à Mathieu que je n’aime pas beaucoup en général, et Luc qui, sur ce chapitre est un peu embrouillé).

Comprennequivoudra.

Comment être complexe sans être compliqué? Raffiné sans être précieux? Ordinaire sans être trivial?

28/08/08

Un titre pour une pièce (images projetée d’échelles, légèrement baroques) : échelles façon Bernin ou, façon Bernin tout court. Là, je pense à Ste Thérèse, lévitante offerte au dard de l’ange vicelard.

J’ai demandé à H.L. de faire le texte du catalogue. Du coup, je vais devoir m’atteler à cette remarque qu’il m’a faite:

“Je suis un peu surpris par les méandres de

tes réflexions sur le sacré, le religieux... bien

sûr, tu ne pouvais faire abstraction de la présence très forte du

religieux en ce lieu, mais ce n'est pas non plus un

point de fixation pour ton travail. Du moins avais-je l'impression

qu'il s'inscrivait clairement dans une perspective

laïque (…)”

20/09/08

Prendre le Couvent pour une Galerie ne manque pas d’intérêt. Cela pourrait être justifié morphologiquement : c’est un réseau de galeries, qu’ils appellent conduits (le fonctionnalisme a aimé rebaptiser les éléments d’architecture, ici il insiste sur l’aspect accompagnant de ces longues parties étroites qu’on aurait n’importe où ailleurs appelé couloirs. On s’y sent guidé par la proximité des parois qui vous mettent la main (froide) à l’épaule).

Les oeuvres distribuées parcimonieusement seront dans cette galerie. Une simple ponctuation. Et lorsqu’elles auront quelque emprise, au réfectoire, dans la salle capitulaire, dehors, elles seront relativement légères. Pièces structurales plus que sculpturales, et, dans le cas du couvert, mettant un voile -épais sur les espaces.

20/09/08

Que de tournants, que d’évènements, que d’émotions. Envoyé à Hervé le courriel suivant :

Outre "l' échelle de Jacob"

J'envisage d'ajouter une pièce d'atelier à l'ensemble, si je trouve un coin adéquat, un coin sombre que la pièce éclaire.

C'est ma Table de Dave Flavin. C'est une table avec des néons dessous.

Argument :

1) Flavin est le + moine des artistes majeurs (j'ai toujours pensé ça, avant même d'avoir découvert qu'il avait pensé être moine).

2) "L'art sacré" devrait avoir digéré le néon depuis belle lurette, ce qu'apparemment il n'a pas fait.

3) Si le propos strict est indéchiffrable, l'effet que produit la pièce est éloquent, si l'on peut dire, fortement spirituel.

Et puis voici deux autres clichés pour le petit ensemble de photos

qui s'appellera sans doute Liturgiaques et sera présenté sur plateaux et tréteaux.

Dans le catalogue, je vois les photos à droite, avec le petit texte sur la page de gauche.

Pierre d'autel

Pierre posée sur l'autel de l'oratoire

… les premières fois que j'ai entendu "pierre d'autel", j'ai imaginé une pierre en forme de pierre, et non en forme de tablette comme de la terre cuite ou du chocolat.

Ce n'est que plus tard que j'ai su ce qu'était cet objet. Un objet consacré, nécessaire au culte, dont la forme et les dimensions permettaient l'incrustation dans la table d'un autel fixe.

On pouvait aussi mettre cette tablette dans une valise pour un autel de campagne.

Ma Pierre d'autel est en fait «l'oreiller de Jacob», gros galet utilisé dans la pièce "L'échelle de Jacob".

L'authentique pierre de l'autel de l'oratoire, et l'autel lui-même lui servent de socle.

Missel

Ordinateur portable ibook sur l'autel de l'oratoire

… j'ai pensé titrer cette photo "In illo tempore (en ce temps là)".

Cette phrase latine commençait souvent la lecture de l'évangile des messes de mon enfance.

Elle sonnait comme "il était une fois". C'était le début d'une histoire.

Histoire tirée de la vie de Jésus, ou racontée par lui (parabole).

Je connaissais généralement assez bien ces histoires.

Mais comme pour les contes entendus mille fois, chaque lecture est une découverte.

Et l'entame invariable "In illo tempore " me mettait en condition.

Malgré tout, J'ai retenu la désignation Missel, plus simple et littérale.

Attentif à tes réactions éventuelles.

Amitiés.

Dominique

30/09/08

Première épreuve dans cette préparation. Il s’en est suivi deux mauvaises nuits et une médiocre, avant que le sommeil ne rentre dans l’ordre. Et des journées infructueuses au labeur balbutiant. L’exposition est comme en stand by.

Que s’est-il passé? J’ai rencontré le Frère M. C’est le représentant de la communauté dominicaine locale pour ce qui touche à l’Art. Aussi intéressante qu’elle aurait pu être, cette rencontre s’est mal passée. Horriblement mal. J’ai fini par demander s’ils allaient me censurer. Il a pris ça comme une insulte, et m’a dit que je ne me rendais pas compte que j’avais violé un espace privé, qui plus est un espace sacré etc. J’aurais pu (dû?) y être accompagné. Il trouvait mon travail fort, fort (j’entendais: trop dur). Ils sont en mesure de s’opposer à ce que je fais. Rien ne se fera sans leur aval. Les photos surtout posaient question? Pas de chance pour moi/nous, je suis satisfait de mes photos, des trois avec échelles surtout. Satisfait artistiquement. Y a t il en l’occurrence un point de vue non artistique ou a-artistique possible? un point de vue religieux, théologique, ou liturgique que sais-je? Points de vues auxquels j’ai eu la maladresse d’essayer de me placer?

01/10/08

Je confie à CJ mon embarras au sujet du titre… que je n’ai toujours pas arrêté pour l’exposition. Elle me dit, en fait tu vas remettre le couvert. C’est ça,“remettre le couvert” est le meilleur titre possible à ce jour. Il laisse entendre la répétition, la maintenance par re-présentation. Et puis, l’exposition c’est : “remettre le couvert” pour les religieux qui étaient une soixantaine lorsque le couvent a ouvert. Merci CJ.

02/10/08, 3heures 22

La vanne s’est ouverte. Un nouveau titre me tire du lit pour le noter, surgit d’une insomnie: “Ordre”. Il peut exprimer l’appartenance dominicaine autant qu’un caractère manifeste de mon travail, et l’injonction. S’il prenait le pluriel, devenant “Ordres”, il disjoindrait mieux peut-être les significations qu’il contient.

15/10/08

La Bibliothèque pour La Tourette, volumes blanc reliés 31 x 101 x 61, 2008, est un allias de Règles de l’art. Renommer, retitrer, c’est comme réorchestrer.

Il y a maintenant trois semaines que je n’ai pas remis les pieds au couvent. Un lien est rompu. Non le lien qui m’aurait relié directement aux gens, celui qui me reliait aux choses (au lieu), et par elles, aux gens. L’art est médiateur.

23/10/08

Le pire s’annonce : JPD, président du Centre Culturel de Rencontre me fait part de la mauvaise réception par les frères de mon projet. Il me demande de le réduire au Grand couvert. Tout le monde accepte le Grand couvert, le Prieur aussi…

Ils vont finir par me faire rejeter une oeuvre que j’adore.

C’est tellement incroyable que je ne sais par quel bout prendre la chose. Impuissance. Il est 4h10 du matin. Je renoue avec l’insomnie.

Impression de tout perdre, comme quand on a misé trop gros.

Sans jouer exagérément les victimes, je pense que ma dignité élémentaire d’artiste est bafouée.

Quel tort ais-je eu? Ne pas me méfier? Dire, tout dire? M’exposer, me découvrir?

Je n’ai pourtant pas été sourd aux réactions du Frère M. Prêt à supprimer certains titres, décidé à changer d’option pour la salle du Chapître, renoncé implicitement à la projection dans l’oratoire.

Début d’autocensure et atmosphère inquisitoriale.

9h30

JVL essaiera de joindre le Frère M. ce matin pour qu'impérativement je le rencontre.

 






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