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Ollivier Coupille
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_Notes bord de seine été 1996*

Image sonore complexe
faite de sons d'une grande variété
maintenant (approximativement) :
flot ininterrompu des voitures sur la berge d'en face
clapotis des vagues au bord du quai
au-dessus de moi, vent dans les feuillages
éclats de voix humaine
voix amplifiée d'un guide sur un bateau?mouche
klaxons, vrombissements
raclement d'une feuille morte sur le sol
les ondes sonores parcourent en tous sens
une même masse d'air
de même à la surface de la Seine
plusieurs vagues se croisent sans se détruire
situation rythmique
les sons ne sont pas fixés les uns aux autres
miracle de la perception gui laisse tout cela intact
mécanismes heureusement inconscients
la sensation reste fraîche
pas de bruit de fond

Il y a une part d'imprévisibilité
dans les interactions des circuits
puis dans la résonance
et il y a la perception


et au bout une image mentale
remise immédiatement en circuit

Chaque moment du processus
est relié aux autres
de telle sorte que l'on ne peut plus
parler de commencement
toute fin est le début d'autre chose
même la fin de la performance
est le début d'autre chose
on ne peut plus séparer la musique
du reste de l'activité sonore
ni la performance du reste de l'environnement
je ne cesse pas d'entendre
quand la performance est terminée
et les bruits de la vie continuent
tout au long de la performance
et ce que j'entends change les sons que je produis
et le fait de produire des sons modifie mon écoute

L'oeil perçoit les couleurs, les formes, le mouvement
l'oreille les sons
mais l'attention passe du visuel au sonore
de la masse de feuillage au bruit du trafic
et la sensation reste entrouverte

Ecouter peut être un geste inhabituel
à la limite de la civilisation
"Le problème avec les blancs
c'est qu'ils n'écoutent pas" (Walking Buffalo)

Commencer c'est en fait renoncer à ses projets
entrer dans un espace de choses en cours
où il n'y a justement pas de commencement



Chose rêve résonance
écouter c'est aussi se défaire de ses habitudes retourner à l'élémentaire
laisser la sonorité se répandre, déborder

Tout dispositif sonore
ressemble un peu à l'appareil vocal
un son qui ne change pas risque d'être imperceptible
là où il n'y a pas d'air
il n'y a sûrement pas de bruit non plus
qui ira s'en réjouir?

"Je te les donne parce qu'ils n'ont pas d'oreilles"
le Grand Esprit à Sitting bull avant la bataille de?

Papyrus pousse (silencieusement)
j'en sais très peu sur lui
à peine ce qu'est la photosynthèse
il pleut
j'écoute la bruit de la pluie
parfaitement inconscient des mécanismes
qui se déroulent à l'intérieur de mon cerveau
pour produire cette image
je fais ceci, cela
sans savoir pourquoi, juste faire
l'absence de but se résoud en activité


En bas les infra-sans
en haut les ultras-sons
entre les deux
le bruit de la vie
de mes pensées

A gauche le commencement


à droite la fin
je suis plus ou moins conscient
de ce qui se passe dans cette bande
sur cette bande
du bruit d'une casserole au cri d'un corbeau


En haut il n'y a pas vraiment de limite
en bas non plus

nous vivons dans une bande étroite
mais nous n'en rencontrons jamais les limites
nous inventons des appareils qui prolongent notre perception
nous changeons de bande de fréquence
nous restons inconscients
des mécanismes de notre perception
l'oeil balaye le champ
sans cesse à la recherche de différences
un son immobile risque d'être effacé
il pleut, j'écoute le bruit de la pluie
je flotte dans un océan
Marcel Duchamp a parlé de "quelque chose
plus profond que l'inconscient"
la seule solution est de continuer
faire quelque chose c'est ne pas avoir de but
seulement un moyen, pas de fin
la bande moyenne, la bande passante

Des sons surgissent de toutes parts
des sons tous différents les uns des autres
et qui vont très bien ensemble
l'air est souple
la matière sonore en constante activité
la sonorité
on n'en finit pas d'écouter
on ne rencontre jamais les limites de la sonorité

La naissance est un infra-son
la mort un ultra-son
chacun à son propre système sonore
à l'intérieur de lui-même
son oeuvre en cours
son corps bruissant
et vit dans un dispositif sonore en pleine activité
au milieu d'appareils qui distillent
un tissu d'oscillations à des fréquences
plus ou moins audibles
et cela forme la trame de tout acte de perception
parmi ces appareils, mon frigidaire
docteur es structures sonores répétitives
l'hiver il s'associe au radiateur électrique
à thermostat pour tisser une trame temporelle
qui varie continuellement
le déclenchement ou l'arrêt de l'un et de l'autre
marque inévitablement d'un "ploc"
tout enregistrement en cours

On n'écoute jamais tout
parcelles de perception
entre les feuillages blanchis par le vent
le flot ininterrompu des voitures
alarmes
entretenir un minimum de forme, de conscience
de présence, comme un reflet
l'absence de but est elle-même une réalisation
un accomplissement
il n'est plus question d'exprimer quoi que ce soit


Premières sardines de l'année
sirènes dans la rue
(la vie commence dans l'océan)
grillées


contemplations des arêtes
pour la nature
qu'est-ce qui est artificiel
il y a des erreurs
et à quoi servent-elles?
penser avec des mots
que tout le monde utilise
plus ou moins de la même manière
la musique n'est pas un langage
les sardines ne se nomment jamais elles-mêmes sardines
pas plus que les Esquimaux
ne se nomment eux-mêmes Esquimaux
tout ce qui se passe
entre la chair grillée et mon palais
un monde qui reste heureusement sans nom
la vie, l'art, la poésie sont nécessaires
le but d'un art
est de rendre inconnu ce qui arrive

Et Cheval Fou
il portait ce nom parce que dans sa vision
il montait un cheval qui avait toujours
l'air de danser, même immobile

La bande sensible, la bande mince
mais sur laquelle nous croisons parfois des baleines
résulte de la superposition aléatoire
de plusieurs bandes
plusieurs épaisseurs sont parfois nécessaires
cela dépend de la sensibilité
on peut se croiser sur la même bande
mais on reste souvent à cheval sur deux bandes
(ou entre les deux?)



Nous n'avons pas besoin d'un art qui satisfasse nos sens
mais d'une activité qui nous précipite dans le courant
(il s'agit de rafralchir la sensation)
jouer avec l'eau et le feu
avec des sons qui n'ont pas de forme fixe
(l'improvisation ne peut plus qu'être accidentelle)
la sonorité se répend comme une eau
elle est belle quand toutes les intentions se perdent en elle
l'électronique pour se tenir à hauteur de nature
une activité qui se propage
le "Monde des paquerettes" de James Lovelock n'a pas
de but clairement établi qu'on pourrait comparer à un
point fixe ; il se contente de s'installer, comme un
chat, et de résister aux tentatives faites pour le
déloger"




l du même auteur ailleurs sur le site l


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