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Jean De Breyne
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_Journal Année 1999

1/ In le carnet rouge monochromo R
Où se trouve également l’ensemble de poèmes enregistré par ailleurs et publié dans Triages Anthologie 2005 (Tarabuste éd.)
(Marseille, Lyon, retour de Ligurie, Funtana, Croatie, exposition La Sétérée à Dublin, arrivée à Rustrel…)
_

(Marseille)

La barre horizontale de pierre
a été amenée là
qui souhaite ressembler aux îles blanches

Loin la masse blanche et brique se déplace
Un navire
_

Il y a une route, je le sais par ce bruit des moteurs et des pneus, un coucou et un autre oiseau. Je peux entendre que la voiture tourne et s’approche, au gravier déplacé. On se lève, le chien et la douche. L’heure. A moi.
_

(Lyon)

C’est bientôt l’heure de chaque jour. J’entends le tic tac du réveil. J’ai quitté et la mer et la campagne. Je suis revenu.

Comme c’est la saison des multiples départs, d’autres reviennent. Un enfant, par exemple. D’autres sont sur le chemin d’aller et s’arrêtent. D’autres sont arrivés, d’outre mer, sur le continent, et viennent. Mais ils retourneront aussi.
Et nous les attendons tous, aujourd’hui, l’enfant qui revient, demain, et après demain les amis.
A la fin de chaque saison l’homme retourne, revient, majoritairement.

Le tonnerre dit une journée mouillée et moite. Je sens mes épaules nues, fraîches et en attente. J’espère l’averse. Je trouve très beau ce mot, l’averse. L’intérieur de la maison est encore sombre. Bien sûr. Peu de lumière, ce jour qui gronde. On dit toujours que le temps change après le 15 août. Nous sommes le 16 août.
C’est lundi. Je vais sortir en ville. La poste. Les photocopiées. La Photo station. Le café. Le journal. Peut-être la carte postale. Je couvrirais mes épaules. Je prendrais un parapluie. Au retour je trouverai le courrier.

Nous avons reçu des amis qui passaient. Arrêt rituel maintenant.

Nous avons été dîner chez de vieux amis.
Il faudra ce rite de se rendre visite car sont passées les raisons des fêtes aux lieux divers d’habitudes. Nous fêterons chez nous !
J’espère avec les vieux amis des voyages. Des voyages à leurs terres intimes où ils se rendent. Je pense à ceux-ci dont l’un va l’autre retourne dans le Schlesvig Holstein, Kiel et passent la frontière du Danemark, traversent la mer, parcourent leurs îles.
Bien sûr les rencontres. Et il faut aller dehors pour rencontrer. Quelques fois simplement un sourire. D’autrefois un souvenir. Encore une fois, un oiseau qui nous a accompagné et à qui nous restons fidèle, qui fond sur nous toutes ailes déployées.
Je vous le souhaite.

Un lieu en sursis qu’il va falloir préparer pour recevoir. Alors une attention particulière. La petite pièce d’écriture, et sa table aux carnets, lettres, documents, en-cours, dictionnaires.

Il y a peu, c’est une enfant qui y dormait. Je lui avait préparé un bloc notes, un crayon, des enveloppes et des timbres. Et deux livres auprès de son lit. Un sur les arbres, l’autre, en anglais, sur les oiseaux. Avant de se coucher, elle est venue de sa chambre et, auprès de la table des grands elle m’a demandé de dire les voix des mouettes que quelques temps je relevais avec délice et malice. Quel bonheur de voir heureuse une enfant !
_

Rêver d’une incorporation militaire ? C’est curieux. Quant au déplacement, il faut descendre pour retourner du Centre d’incorporation, il y a des rochers, le parcours est périlleux, j’expérimente un chemin pour les dames qui me suivent sous l’acquiescement des gens qui sont en bas.

Un homme nettoie les escaliers de l’immeuble.
Tôt.
Mais pas le jour habituel.
J’ai entendu le balai contre les marches.
Je me suis dit ce n’est pas samedi.

Les poignets posés sur les cuisses elles mêmes croisées, le dos reposé au dossier. Je me dis non je n’attends pas, alors que je pensais, en défaisant le croisement des poignets, et me penchant pour écrire j’attends les poignets croisés etc. Non.

Quoi d’autre ? Le réveil. Que j’entends. Et tout, autour, que je n’écris pas.

L’homme de ménage de l’immeuble est en bas. Il déplace les poubelles – on dit bacs roulants ! pour nettoyer leur local. Bruits. Le bruit des poubelles. Bruit du matin. Bruit de l’humanité. Tic tac du réveil, parfois sonnerie – maintenant sifflements brefs et plusieurs –même celle des voisins. Et chocs et roulement des poubelles, et enlèvement et frappe contre le camion pour les bien vider. Klaxon du camion qu’un mauvais stationnement gêne. Va et viens des hommes dans les allées : sortie et rentrée des poubelles. Rentrée des hommes dans les cafés nombreux de la rue.
Puis ouverture des grilles et portes des restaurants.
Livraisons des fournisseurs. Camions et camionnettes s’arrêtent dans la rue. Légumes, fruits devant les portes. Descente à la cave des vins. Marques des produits frais : Dombes, Beaujolais, laitiers.

Futurs matins nouveaux inconnus dans peu de temps.
Lendemain matin identique. Même levé plus tôt. Ah ! pas le sifflement strident de l’oiseau de juillet ! C’est vrai, où est-il passé ?

Insatisfait de trop peu de solitude ;

Grincement d’une porte au-dessus. L’appartement habité. Autrement. Après la mort de mon bon italien Annichirico, le nouvel habitant m’a demandé des oignons. Soi-disant qu’il recevait des amis pour inaugurer son appartement. A travers les fenêtres de l’escalier, d’où on plonge dans notre cuisine. Je l’ai aidé à fermer les fenêtres, il n’y arrivait pas. Souvenir de Talbot Street, et de Berea. Mais à Berea j’ai trop souffert de ne pas pouvoir être seul. Impossible de rencontrer seul, et de garder pour soi seul. Ne sais-je pas faire ? Dénicheur d’existences ! Provocateur de regards ! trop loin, et pas assez exploités !

«  L’impossibilité de fixer l’expérience – qui est expérience de l’ « éclair ». »(Jacqueline Risset –Dante.)

« sinon qu’alors mon esprit fut frappé
par un éclair qui vint à son désir »

Bientôt repartir, et de nouvelles langues. Cela coûte, je le sens bien au ventre. Trois semaines avec de la famille. C’est tellement. Monter l’exposition à Dublin. Je fais, j’invite, et cela me coûte. Finalement j’y arrive. Tant à surmonter. Cela ne se voit pas, je crois. On pense cela naturel de moi. Quoique, naturel ! Oui, dans ma nature. Créé par quelle psychose ?

La voix de matin travers le plancher. La radio, sans doute, si tôt. Les humains n’ont pas déjà un tel débit !
Ils sont rentrés travailler, les humains.
Demain arrivent encore des amis.

Etonné d’une légère ébréchure à cette tasse blanche, au bas de l’anse, observée à un léger craquement lors d’une torsion inhabituelle. La ramener sur la table pour le petit déjeuner.

Je l’ai montrée à M. dans la journée. M. dessine maison et jardin. Je dessine des voyages. Et où révéler, la prochaine fois ? La rue, ô la rue !
Il me la faut pleine, alors qu’il me la fallait vide autrefois.
Dois-je insister et marquer – c’est vrai, je n’en ai encore rien écrit ? Que je m’en vais, que je quitte le lieu de mon enfance, de mon adolescence, de ma famille. J’en ai mis du temps, pour appliquer cette vieille décision ! Il aura bien fallu une femme. Bravo, Martina ! Je ne suis pas fatigué, mais dites donc ! Quelle bousculade ! Quelle agression ! Quelle intrusion ! Quelle violence ! Je saute, et je vole ? Dublin, la Ligurie. Oui, je ne tombe pas. Insensible ? Si matérialiste ! La garde. Serré de près !

Cette immense prétention de tous ceux-là qui gardent les livres ! Place et poids. Ridicule ! J’en suis. Quand vais-je me vider ?
(Les choses acquises – les concepts, les idées- parler différemment, et contre elles !)
_

(Funtana, Istrie, Croatie, puis Zagreb)

À l’heure des pêcheurs je pense à cette destinée de la belle albanaise à l’écart et seule sur la terrasse de son glacier de mari, la chevelure relevée et attachée, geai soyeux, l’avant-bras à la hauteur du poignet entouré d’or, bracelets sur la peau brune, l’enfant se tient debout, les mains sur ses genoux, elle sourit de dents si blanches, et de lèvres accueillantes à notre salut, elle regarde passer le monde.
Fredi dit que ce sont des paysans, dans ce langage supérieur. Que font donc de plus les citadins que remuer du vent et de mépriser la beauté de l’humain ?
La mère arrose les fleurs en pots sur le muret de la terrasse, à l’heure des pêcheurs.
J’attends qu’on se lève, mais je n’ai qu’à aller seul !

Je suis bien seul, à aimer les terrains vagues, les docks, les banlieue – le périphérique, l’au-delà du périphérique.

- Est-ce qu’il y a une mathématique dans tes longueurs et espacements, la largeur des couleurs du prisme ? Je suis témoin qu’elle en évalue les proportions justes - (Mince, peu voyante).

- Quelles sont les dimensions de l’œuvre ? (Ce qui est peint, ou bien le mur ?)
Ce qui est peint : 1369, 5 x 80
Le mur  : 1609, 5 x 250

J’ai fait douze tableaux en sept jours dit hier (23. 09. 1999) Ivan Kozaric. Je comprends tellement cette comptabilité, l’urgence de les faire, les compter, en dire le nombre. Ah ! Combien de poèmes, de photographies !

C’est curieux cette sensation qu’il ne me reste que peu de temps à vivre. Je touche trente ans, ces trente ans raisonnables. Je ne parle pas d’un accident précoce, mais bien de cet âge où l’on meurt d’âge. Je lis que c’est si peu, trente ans, le nombre d’année que j’ai travaillé. Et tout cela que j’ai à exploiter, photos et papiers. Sans compter ce que ces trente ans d’écritures –oh la la ! ici cela fait épaisseur, tout à coup !

18/11. Et bien oui l’ange est bien là, oh ! Sans doute pas celui de Wenders, mais qui sait ? L’ange n’est que ce que nous mettons en lui de désir, et si inatteignable –encore à cause de notre inertie- nous ne pouvons que savoir –conscient que nous sommes alors- qu’il peut-être homme seulement, bête, et peut-être ignoble. Et oui l’ange est bien là, archéologue. Le jour, aussi, celui là, le lendemain de la rencontre de l’ange, qui fouille un four à chaux sur la commune, route de, c’est l’arrivée mondiale des Beaujolais primeur, seulement rigolo et connu pour sa dangerosité. Nous savons maintenant que le patron du café de la place s’appelle Ben, à l’appellation du mien, que son épouse Nathalie est peintre, abstraite, et qu’elle participe à une association que nous connaissons de nom par une amie commune, Inge, et que leur fille s’appelle Camille. Comme la céramiste, là-haut, plus haut. Belle surprise ! Je ne voyais pas vraiment comme cela, d’autres femmes plus atypiques derrière le bar cet été, et ces semaines à me donner mon journal, à s’énerver, discrètement, derrière moi à la poste. Il y a Gisèle, qui vient boire, ce jour là, un chocolat à l’heure du vin, du saucisson et du fromage, et qui achète et lit La Marseillaise – mais, je n’ai pas vu l’Huma ? Et Jean-Marie, qui dirige le Gîte, le châtelain nous dit Ben. L’ange, hier, a bu un essai de sirop à l’eau, l’essai, dis-je parce qu’elle s’est fait lire le stock possible des sirops sur les rayons pendant que nous essayions de la diriger vers un sirop alcoolisé, l’anis, le pastis. Peut-être décline-t-elle les boissons alcoolisées ? Ces possibles-là ? Ce midi, elle a fait mousser et débordé un verre de Schweppes ? Et son amie, présentée aussi mais où avais-je la tête, buvait un café. Qu’est-ce qu’un ange ? La force de l’être en permanent regard le révèle. J’arrive, j’ai peur du silence et du refuge, il faut sortir de la cour pour une chance.




l du même auteur ailleurs sur le site l
_Notes II - agenda 1995 (n° 3 - janvier 1998)
_Notes pense bête 1999 (n° 5 - automne 1999)


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