Je voudrais TOUT dire et dans un ordre qui s'organiserait de lui-même,
une galaxie avec ses lois ; ce serait une galaxie infiniment ordinaire, j'en
tiendrais un bout et tout serait là, sagement en équilibre. Rêve
mégalomaniaque, mais calme, si calme, sans heurts, et sans effets -comme
on dit (dé)nu(dé).
Une sorte de maîtrise du monde ; mais juste à l'étourdie,
par hasard ; pour un moment, ou pour toujours. Ne rien oublier ; mais pas dans
l'obsession du souvenir, pas de lien forcément avec le passé ;
mais avec la présence
l'envers et l'endroit.
Je lis et je me dis : ce mot-là, ces mots-là, tu ne les as pas
employés ; tu les oublies, tu ne t'en occupes pas, tu ne t'es jamais
souciée de leurs richesses ; la pensée folle d'avoir tout le dictionnaire
disponible dans la tête ;
l'écriture part dans un sens, pas toujours clairement perceptible, mais
elle y va, retrouvant, ressassant, n'ayant pas l'idée de reculer sa chaise.
Agréger les objets, les éléments, les détails.
J'écris si peu, petit chapelet, peur, parcimonie idiote.
Laisser courir sa plume, sans le regretter, et de tout cela - de tout qu'est-ce
qui va naître ?
L'obsession de ce qui va naître ; et si cela naissait par mégarde,
par distraction, par conjonction, par désinvolture ?
Reparler de l'excès ; non l'excès n'est pas forcément
dans l'écriture, ni surtout dans la vie de l'écrivain, et cette
dépense n'est pas forcément nécessaire ; juste de la pensée
qui agite les bras.
Regarder le concret. La musique du concret. Le concert du concret, même
si c'est juste des sons dispersés. Et puis, la verticale qui arrive.
L'écriture, un ordonnancement. Une lente girafe.